L’Egypte, qui a initié plusieurs tentatives pour faire cesser les hostilités, a finalement pu obtenir un point d’accord pour une trêve prolongée à Gaza.
Le Hamas devient un interlocuteur d’Israël dans les négociations indirectes
Pour comprendre la situation du Hamas aujourd’hui il faut se souvenir à quel point il était affaibli il y a quelques semaines : l’Egypte avait renforcé le blocus de Gaza, notamment en détruisant des tunnels de contrebande entre son territoire et l’enclave palestinienne. Du coup le Hamas, privé de ressources, n’était plus en mesure de payer son administration à Gaza (et c’est probablement ce qu’il l’a conduit au printemps dernier à accepter la formation d’un gouvernement d’unité nationale). Un Hamas affaibli aussi car il a perdu des alliés ces dernières années : le président égyptien Morsi (islamiste) et le régime de Bachar el-Assad en Syrie avec lequel le Hamas a rompu, s’éloignant aussi de l’Iran.
Avec ce conflit de 50 jours, le mouvement islamiste palestinien s’est clairement replacé au centre du jeu : interlocuteur d’Israël dans les négociations indirectes sous médiation égyptienne et aussi interlocuteur de l’Egypte qui - jusque là - était quasiment en guerre avec le Hamas comme avec tout ce qui ressemble à un Frère musulman dans la région.
Durant le conflit, la branche armée du Hamas a perdu plusieurs de ses cadres et probablement plusieurs centaines de combattants. Mais le groupe palestinien peut revendiquer la mort des 64 soldats israéliens tués pendant l’opération. Et il a tiré des roquettes de longue portée menaçant les régions de Tel Aviv, Jérusalem et même le nord d’Israël. Sur le plan militaire la question est désormais celle de la capacité du Hamas à se réarmer alors qu’il a probablement largement entamé son stock de roquettes, obus de mortiers et autres munitions.
Quel bilan pour Israël ?
L’Etat hébreu a affirmé pendant le conflit avoir sévèrement nuit aux capacités militaires du Hamas, notamment en détruisant des tunnels servant à mener des attaques en territoire israélien.
Mais après 50 jours de conflit, l’allègement annoncé du blocus semble profiter à la population de Gaza. Et à ce stade, rien ne semble indiquer une future « démilitarisation » de l’enclave palestinienne, réclamée par Israël.
Rappelons que c’est la troisième fois depuis qu’il est au pouvoir (depuis 2009) que Benyamin Netanyahu négocie indirectement avec son ennemi juré le Hamas : en 2011 pour obtenir la libération du soldat Gilad Shalit, retenu à Gaza et échangé contre un millier de détenus palestiniens ; en 2012 pour mettre fin à un épisode de conflit armé avec les groupes armés de Gaza et encore une fois cette semaine. Le même Netanyahu qui se montre inflexible avec l’Autorité palestinienne dès lors que l’on parle des contours d’un futur Etat palestinien.
La question que l’on peut se poser est celle d’éventuels remous politiques en Israel, à l’heure du bilan. L’aile droite de la majorité et une partie de l’opinion pourraient bien demander des explications au Premier ministre israélien sur ce conflit qui a fait près de 70 morts israéliens sans garantie que le scénario guerrier ne se reproduira pas.
L’Autorité palestinienne toujours dans le coup
Le gouvernement d’unité formé avant le conflit à Gaza semble toujours d’actualité. Et ce n’est pas le Hamas seul mais une délégation palestinienne large qui a négocié au Caire ces dernières semaines. Donc l’Autorité palestinienne n’est pas hors-jeu comme en 2012 lorsque la sortie de conflit s’était conclue sans elle. Ce n’est pas un hasard si c’est le Président Mahmoud Abbas qui a annoncé mardi soir la conclusion du cessez-le-feu.
Cela dit, si le conflit de ces dernières semaines débouche sur un allègement substantiel du blocus de Gaza, il pourrait alimenter dans l’opinion palestinienne l’idée selon laquelle la lutte armée produit davantage de bénéfices que la voie de la « résistance pacifique et de la négociation » défendue par Mahmoud Abbas.
Le vrai enjeu aujourd’hui c’est l’éventuel retour de l’Autorité palestinienne à Gaza. Si dans la foulée de la formation du gouvernement d’union et de l’accord conclu au Caire on voit l’administration palestinienne reprendre un rôle à Gaza (par exemple pour la gestion des frontières) alors ce sera une réelle rupture avec la situation qui prévaut depuis juin 2007, date de la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, qui en avait alors expulsé l’Autorité palestinienne.
L’Egypte acteur et médiateur
L’Egypte est un médiateur, mais c’est aussi un acteur de cette crise et de sa résolution puisque l’Egypte d’Abd El Fattah Al Sissi accuse le Hamas d’être un facteur de trouble en Egypte et que l’armée égyptienne a détruit des dizaines de tunnels de contrebande ces derniers mois, accentuant le blocus de Gaza. Et c’est la même Egypte qui doit aujourd’hui desserrer l’étau si elle veut que l’accord qu’elle a obtenu fonctionne. La formule qui sera retenue pour le point de passage de Rafah (entre Gaza et l’Egypte) sera déterminante pour la suite.
Est-ce que la donne a changé ?
L’équation n’a pas changé : difficile pour Israël d’accepter une ouverture des points de passage terrestre (et d’un port, voire d’un aéroport) si cela permet aux groupes armés palestinien de se fournir en roquettes, en armes et en munitions. La vraie rupture serait l’entrée en vigueur d’un mécanisme international de surveillance. L’Union européenne a proposé de réactiver et d’élargir sa mission EUBAM qui surveillait le point de passage de Rafah (entre Egypte et Gaza) en 2005 - 2007.
De son côté, si Israël envisage encore de demander une éventuelle « démilitarisation » de Gaza dans la seconde phase des pourparlers au Caire, on voit mal les groupes armés palestiniens l’accepter. Ils peuvent s’estimer confortés dans l’idée que ce qu’ils appellent « la Résistance » est la seule solution efficace pour obtenir des avancées politiques.
Reste aussi la question du processus de paix, au point mort.
Lorsque les négociations israélo-palestiniennes relancées par John Kerry en juillet 2013 ont volé en éclat au printemps dernier, les Etats-Unis ont annoncé une « pause » dans leurs efforts au Proche-Orient. Les évènements de ces dernières semaines, on l’a vu, n’avaient rien d’une « pause ». L’absence de perspective politique alimente l’instabilité et c’est ce qui s’est produit cet été, avec le lourd bilan que l’on sait.